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MÉPHISTOPHÉLA

parisiennes, ces païennes, les ménades d’un triomphe de Bacchus, où le dieu ivre groupe entre ses genoux, dans le char dont les roues écrasent sans les distraire des couples enlacés, des nymphes saoûles de raisins mûrs et les fait, dans son embrassade, s’étreindre. Ce qu’il y eut d’effréné dans le déchirement de leurs robes, innocente l’impudence de leur nudité ; comme parmi le pêle-mêle des chutes et des abandons sur les tapis, sur les sophas, sur le désordre des linges déchirés de cristaux et de porcelaines brisées, leur rire qui échevelle de noires ou rousses chevelures, leur rire retentissant ainsi qu’une sonnerie de métaux clairs, excuse l’infamie de leurs baisers. Ce sont les très amoureuses folles ! amoureuses, de qui, de quoi ? de toutes, de tous, de tout. Elles sont, descendues des cadres afin de vivre les mythologies du baiser, les faunesses et les hamadryades des peintures, mêlant pour leur plaisir et pour le plaisir des autres, la neige et l’or, ou le vivant ivoire chevelu d’ébène, de leurs corps qui se veulent et qui s’offrent ! Et Paris, cet artiste, sorte de Néron devenu la ville même que le beau tyran-poète aurait bâtie sur les ruines de Rome incendiée, aime les chœurs fougueux de ses blanches corybantes.