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MÉPHISTOPHÉLA

mon, pourrait surgir. Devant la porte, Emmeline demeurait immobile, les yeux fermés à cause du regard de l’amie, et leurs poitrines se mouvaient. Sophie parfois, d’un élan… mais elle s’arrêtait ; et, comme ayant pris un courage — le courage d’avoir tout à fait peur — dans la menace qu’elle avait peut-être désirée autant qu’elle l’avait crainte, Emmeline entrait vite dans sa chambre et fermait la porte à double tour. Sophie, seule, dans l’ombre, s’appuyait au mur, restait là, l’oreille tendue, les yeux écarquillés, écoutant, croyant voir tomber une à une, de l’autre côté de la paroi, les étoffes, et frémissant quand un bruit l’avertissait du cher corps pâle et rose qui s’étendait sur le lit…

Quoi ! la voulait-elle moins ? la convoitise, directe, effrénée, qu’elle avait éprouvée près du lit d’Emmeline — en la nuit de noces qui fut aussi une nuit de fiançailles — s’était-elle détendue dans la douceur des tendres camaraderies ? non, plus ardemment chaque jour, elle désirait Emmeline. Oh ! revoir la jeune peau mûre, si lisse, mettre sa bouche au sein nu, au bout rosissant qu’un seul cheveu traverse de l’ombre d’un fil d’or ! Durant leurs promenades, il lui venait de furieuses envies de déchirer la robe où elle se frottait avec des lenteurs insistantes de