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MÉPHISTOPHÉLA

Elles furent très étonnées de ce ruisseau, qu’elles n’avaient jamais vu. Pourtant, l’île, leur île, elles la connaissaient bien. Elles le regardaient, les yeux rafraîchis et charmés de sa transparence fluide. Mais le regard de Sophie quitta un instant l’eau courante pour les deux petites bottines d’Emmeline, aux bouts vernis, s’avançant de dessous la jupe comme deux becs noirs d’oiseaux ; elle tressaillit, à cause d’une idée qu’elle avait eue.

— Quoi donc ? demanda Emmeline.

— C’est que je pense à une chose. Tu as beaucoup marché, tu es lasse, veux-tu, dis, mouiller tes pieds dans le ruisseau ?

— Je crois bien que je le veux ! Toi aussi, n’est-ce pas, tu mettras tes pieds dans l’eau ?

— Moi, n’importe. Assieds-toi, là, sur le bord.

Emmeline s’assit très vite, les jambes vers le ruissellement frais. Mais elle se fâcha.

— Non, je ne veux pas que tu retires mes bottines, je saurai bien les ôter toute seule.

Sophie, agenouillée sur la rive, avait déjà dégagé quelques boutons.

— Voyons, dit-elle, laisse. Qu’est-ce que cela te fait que je te serve, comme une femme de chambre, puisque c’est mon plaisir ? Tu n’es pas gentille. Ce que je désire, tu ne le veux jamais.

Elle tira l’une des chaussures. En la blancheur