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MÉPHISTOPHÉLA

isolement, garda l’alarme effarée du départ nocturne, du voyage furtif, l’inquiétude de la mère et du frère en courroux. Si elle avait osé, elle se serait écriée : « Retournons-nous-en ! je ne veux pas rester ici. » Puis, cela la tourmentait de ne pas savoir pourquoi Sophie avait hasardé cette aventure et l’y avait entraînée. Toujours son amie lui répondait : « Il s’est passé des choses qui nous obligeaient à fuir. Tu sauras tout, bientôt. Surtout ne te tourmente pas. Que peux-tu craindre, puisque je suis là ? Tu sais que je t’aime, chérie, que je te défendrai, viens, viens, je t’aime tant ! et cela est si bon d’être séparées de tous les méchants hommes. » La volonté de Sophie soumettait, cernait Emmeline, qui baissait la tête, captive consentante et résignée. En somme, pensait-elle, une équipée pas bien grave, quelque chose comme une escapade d’écolières pendant les vacances ; les parents, au retour, gronderaient, et pardonneraient. D’ailleurs, elle lui plaisait, cette île moins farouche que leur forêt, plus vaste et aussi jolie que leurs jardins ; et, parce qu’il faisait du soleil, elle n’était pas triste.

Une vie charmante commença. D’abord, à cause des blessures dont Sophie souffrait encore, elles n’avaient pu faire que de courtes promenades autour de la maison ; mais bientôt le mal