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MÉPHISTOPHÉLA

les jeunes filles, préfèrent celles-ci, ne peuvent souffrir celles-là ; Sophie, en regardant de sa fenêtre passer en file deux à deux les pensionnaires des couvents et des school-houses, avait remarqué que c’était d’ordinaire les mêmes visages qu’elle reconnaissait aux mêmes rangs ; et il devait y avoir, en ces amitiés de fillettes, des besoins de ne se jamais quitter, des dévouements avec des jalousies. Mais il lui semblait qu’elle avait pour sa compagne d’enfance un sentiment que ne devaient pas connaître les plus tendres voisines de classe ou de dortoir. Peut-être une sœur chérit sa sœur comme Sophie chérissait Emmeline, et peut-être, par une étrange rencontre, à cause de similitudes ou de différences concordantes, étaient-elles, bien qu’elles ne fussent point nées de la même mère, comme deux sœurs en effet ? non ; malgré la simplicité de cette explication où elle se serait apaisée, elle ne pouvait pas croire qu’elle aimait Emmeline ainsi qu’on aime une sœur. Elle l’aimait, non pas moins, bien davantage ! autrement. Et elle s’étonnait. Autrefois, en leurs promiscuités enfantines, — petit mari et petite femme dans le hamac de la maisonnette, — en leurs emportements bientôt défaillants devant l’image sainte ou devant le muet clavier sonore, elle n’avait pas ressenti à