Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
MÉPHISTOPHÉLA

si grand’peur peut-être ; puis, que lui dire ? comment lui expliquer cette présence nocturne, ce peignoir humide de pluie ?

— Je la regarderai seulement, je lui dirai adieu sans qu’elle m’entende, et je m’en irai pour toujours.

Pour la voir il fallait écarter un rideau, celui de la fenêtre qui était en face du lit ; pendant les nuits les plus noires, il y a un peu de jour dans l’air. Sophie, très silencieusement, longea la paroi, arriva devant la croisée, leva l’un des rideaux, qu’elle suspendit à la patère. Mais que les ténèbres étaient obscures ! Pourtant la chambre s’éclaira d’une soudaine lumière, pas très vive ; lueur de lune ou d’étoiles, entrée tout à coup ? non ; la veilleuse, dans sa petite urne ouverte sous le plafond, s’était ranimée en un grésillement ; et sur l’oreiller clair, parmi l’or tendre des cheveux déroulés, souriait en songe, pâle au front et aux joues, rose aux lèvres, le visage d’Emmeline. Le drap montait jusqu’au menton. Que c’était joli, ce visage d’enfant, rose et pâle, dans ces touffes blondes.

Autour du lit de fer, étroit, d’où avait glissé une courtepointe de mousseline doublée de satinette bleue, la cretonne des murs et des tentures mêlait des fleurs, des papillons, des oi-