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MÉPHISTOPHÉLA

dans ses yeux fixes, il y avait une telle expression d’inexorable effroi que le baron Jean, comme après un coup de massue sur la tête, faillit choir en arrière, les mains ballantes, en balbutiant : « Oh ! mon Dieu ! oh ! mon Dieu ! qu’avez-vous, Sophie ! oh ! mon Dieu ! » Et le désespoir le traversa que jamais, à aucune heure de sa vie, il n’oublierait le regard dont Sophie le regardait en ce moment.

Mais, voyons, elle était malade, ou folle. Ne lui avait-on pas dit que, toute petite, elle avait eu des attaques de nerfs, des convulsions ? Il se remit, se rapprocha, de quelques pas seulement, parla d’une voix très douce. Il avait bien deviné, n’est-ce pas ? elle souffrait ? oui, c’était parce qu’elle souffrait qu’elle avait ce visage sinistre ; il n’était pas possible qu’elle eût contre lui, véritablement, l’espèce de rage et d’épouvante qu’elle montrait. Hélas ! il l’aimait tant qu’il était digne d’amour, non de haine ! Avait-elle besoin de quelque chose ? voulait-elle qu’il appelât les domestiques, qu’il éveillât Mme Luberti ? Non, elle avait raison, il la soignerait, lui, mieux que tout le monde. Ah ! que c’était cruel ! une nuit où devaient tenir tous les bonheurs rêvés, et où il n’y avait eu place encore que pour une telle tristesse : Sophie malade. Mais