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MÉPHISTOPHÉLA

compagnon : est-ce qu’il n’aurait pas pu rester au régiment ? qu’avait-on besoin de sa présence ? contre Mme Luberti, contre Mme d’Hermelinge : l’importante chose, pour l’une, d’avoir un gendre titré et, pour l’autre, de donner à son fils une riche héritière ! la noblesse, l’argent, voilà des choses dont elle ne se souciait guère, elle ! Et elle s’emportait aussi contre Emmeline ; celle-ci n’aurait-elle pas dû détester le mariage pour son amie, comme Sophie, pour son amie, l’avait détesté ? Ah ! la fausse ! l’ingrate ! Fausse ? ingrate ? pourquoi ? Sophie ne trouvait pas de motif à l’horreur qu’Emmeline aurait dû éprouver ; ne s’expliquant pas davantage celle qu’elle avait ressentie elle-même à l’idée d’Emmeline mariée.

Le jour fixé pour la noce approchait.

On voyait sur le visage de Sophie l’expression d’un effroi continu. Car, par la proximité de l’événement, les détails probables, tels que les pouvait percevoir sa virginale innocence, s’en précisaient dans sa pensée ; sans relâche, — ni sourire, le jour, ni sommeil, la nuit, — elle voyait la chambre nuptiale, le lit commun, et la menace des caresses ; elle s’imaginait le voisinage d’un corps, le contact, peut-être, d’une peau… un frisson la secouait toute ; à chacun de ses pores elle