Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
MÉPHISTOPHÉLA

pas l’épouser. C’était ainsi : noces inévitables, noces impossibles. Impossibles, pour quelle raison ? Elle ne trouvait pas de réponse. Est-ce que toutes les jeunes filles ne se marient pas ? est-ce que M. d’Hermelinge n’était pas digne d’amour et d’estime ? elle demeurait cruellement troublée. Si, pour épouser le frère d’Emmeline, elle avait dû s’éloigner d’Emmeline à qui la liait une si chère tendresse, elle aurait compris que ce mariage lui fût intolérable ; mais non, les deux amies ne seraient pas séparées ; où qu’ils allassent, Mme et Mlle d’Hermelinge, c’était convenu, suivraient les deux époux. Donc pas de raison. Cependant, elle sentait, elle comprenait, en une parfaite lucidité d’instinct, qu’elle ne devait pas être la femme du baron, ni d’aucun autre homme ; il lui semblait que l’hymen, pour elle, c’était l’inhabitable, l’irrespirable, qu’elle y mourrait tout de suite. Elle était devant l’union prochaine, comme un oiseau lié des pattes et des ailes et que l’on voudrait jeter dans un fleuve ; l’eau, il ignore ce que c’est ; des êtres y vivent, lui ne pourra pas y vivre, et il se débat en une affreuse épouvante. Et des colères venaient à Sophie, contre elle surtout, pas pareille aux autres, et pour elle-même inexplicable ; contre le baron, si brave cœur pourtant, si jovial