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MÉPHISTOPHÉLA

avait la simplicité d’être un héros et un excellent homme.

Ainsi fait, avec sa rudesse familière et son gros rire d’enfant géant, il n’était pas importun à Sophie ; elle lui parlait sans gêne, s’égayait autant que lui ; et comme de son côté le cuirassier regardait et écoutait avec un plaisir qu’il ne cachait pas cette jeune fille ni minaudière ni coquette, l’œil franc et la répartie rapide, les deux mères qui, depuis longtemps, en leurs promenades au jardin, préméditaient le mariage de Sophie avec le baron Jean — mariage de tout point souhaitable, où se rencontraient toutes les convenances de fortune — se faisaient des signes, à la dérobée, d’un bout de la table à l’autre bout, des signes qui voulaient dire : « cela va bien, cela va aussi bien que possible ! » Mais la plus contente c’était Emmeline : « Si Sophie épouse mon frère, ce sera comme si elle devenait ma sœur. » Elle s’attendrissait à cette pensée, au point d’avoir des larmes dans les yeux. Elle aurait voulu que ce fût déjà fait, ce mariage. Pourvu que Jean ne déplût pas à Sophie ! pourvu qu’elle lui parût jolie ! À chaque instant Emmeline se levait de table pour aller arranger les cheveux de son amie, toujours désordonnés, ou pour lui refaire le nœud de l’étroite cravate verte qu’elle