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MÉPHISTOPHÉLA

lui obéirait. Les jardins traversés, elle monta l’escalier de la maison voisine, très rapidement, le front haut, une flamme sèche dans les yeux, les mains tremblantes.

Emmeline lui sauta au cou.

— Vois ! vois ! c’est Jean, mon frère. Il a un congé, il restera avec nous, pendant trois mois, regarde-le donc ! N’est-ce pas qu’il est beau en uniforme, et qu’il a l’air d’un général ? et, général, il le sera.

Sophie parcourut des yeux toute la chambre, cherchant quelque autre homme auprès du baron Jean d’Hermelinge, capitaine de cuirassiers, qui la saluait assez gauchement, avec l’embarras, devant une demoiselle, de ses chamarures et de son sabre sonnant. Personne, lui seul. « Mais alors, celle qu’on veut marier, ce n’est pas Emmeline, c’est moi ! » Elle éprouva un grand soulagement, une caresse de lait tiède coulant sur une brûlante blessure qu’on aurait ; et, considérant le frère de son amie, elle avait une douceur de reconnaissance envers cet homme qui ne pouvait pas épouser Emmeline. Elle ne se préoccupait point de l’idée qu’il venait pour elle, du projet que les deux mères avaient formé. Il ne s’agissait pas de cela ! Il s’agissait d’Emmeline qui resterait demoiselle ; voilà ce qui était important ;