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MÉPHISTOPHÉLA

Elle eut la vision d’Emmeline entre les bras d’un homme ! de cette frêle bouche, rose comme une rose pas éclose, sous la broussaille d’un baiser barbu ! et, précipitée contre le mur, elle le frappait de la tête en criant : « Non ! je ne veux pas qu’elle se marie ! Je ne veux pas qu’elle se marie ! Je te dis que tu ne te marieras pas ! »

À ce moment, après un « eh bien ! es-tu prête ? » de l’autre côté de la porte, Mme Luberti rentra dans la chambre.

— Oui, prête, allons, dit Sophie.

— Tu ne changes pas de robe ?

— Je suis bien comme cela, allons.

Elle parlait d’une voix rude, saccadée. Elle sortit la première, très vite, elle voulait voir sur le champ celui qu’on destinait à Emmeline. Ce qu’elle ferait, elle ne le savait pas. Mais, avant même de s’asseoir à table, elle ferait quelque chose de brutal, de terrible, qui romprait le mariage. L’idée la traversa que, ayant du poison, on en peut mettre dans le verre de quelqu’un qui boit à côté de vous. « Du poison ! Si j’en avais ! » Elle trouverait un autre moyen, aussi effrayant. Ou bien, tout simplement, elle dirait à cet homme : « Qu’est-ce que vous venez faire ici ? Vous venez pour épouser Emmeline ? Je ne veux pas. Allez vous-en. » Oui, je ne veux pas, et on