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LES OISEAUX BLEUS

une vaste plaine où il n’y avait pas une maison, pas un arbre. Il s’étonna d’apercevoir, au loin, vers la ligne de l’horizon, quelque chose de long, de sombre et de lisse, avec des blancheurs par endroits, qui s’avançait peu à peu, comme un rempart vivant détaché du ciel, dans un profond et grossissant murmure. Il ne tarda pas à reconnaître que, ce qui s’approchait, c’était une masse énorme d’eau ! Une inondation, telle que jamais encore il n’y en avait eu de pareille, envahissait irrésistiblement la plaine ; et toute la terre, dans un instant, ne serait plus qu’une mer immense. L’enfant trembla de peur ; non pas pour lui-même, mais pour la petite flamme. Elle serait vaincue par l’onde, si elle avait été victorieuse du vent. Il se mit à fuir, courant à perdre haleine. Vainement. Le flux énorme le suivait, le suivait, le gagnait de vitesse, l’atteignit, l’emporta. Pendant bien des heures, — tantôt surnageant, tantôt couvert par l’humide lourdeur, — il fut une épave roulant dans l’eau qui coule ; et, quand l’inondation eut atteint un désert brûlant dont les sables la burent,