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LES DEUX MARGUERITES

près des siennes, n’eussent voulu être abeilles. Landry se garda bien d’hésiter ! Il arracha, jeta au loin l’un des pétales de sa marguerite : le vent n’avait pas encore emporté le frêle débris, que l’enfant de la fenêtre était dans la rue, souriant au voyageur. Ils s’en allèrent vers le bois voisin, les mains unies, se parlant bas, se disant qu’ils s’aimaient ; rien qu’à s’entendre, ils éprouvaient de telles délices, qu’ils se croyaient dans le paradis. Et ils connurent beaucoup de moments pareils à ce premier moment, beaucoup de jours aussi doux que ce premier jour. C’eût été le bonheur sans fin, si l’enfant n’avait trépassé un soir d’automne, pendant que les feuilles flétries, envolées dans la bise, heurtaient à petits coups les vitres, comme les doigts légers de la mort qui passe. Landry pleura pendant longtemps ; mais les larmes n’aveuglent pas si bien que l’on ne puisse regarder au travers : une fois, il vit une belle passante, vêtue de satin d’or, les yeux hardis, la lèvre folle ; et, jetant au vent un pétale encore, il partit avec elle. Dès lors, insoucieux, deman-