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LA MÉMOIRE DU CŒUR

yeux, ou tu périras de ma propre main. Mais, avant de sortir, apprends, pour le répéter à tous, que jamais une femme ne s’assoira sur mon trône et ne dormira dans mon lit, à moins d’être de tout point semblable à celle que j’ai perdue ! » Et il savait bien qu’en parlant ainsi, il ne s’engageait guère. Telle qu’elle revivait en son cadre d’or, — hélas ! morte, pourtant ! — la reine était si parfaitement belle que, par toute la terre, on n’aurait pu trouver sa pareille. Brune, avec de longs cheveux souples qui s’écoulaient comme de l’ébène liquide, le front un peu haut, d’ivoire couleur d’ambre, les yeux profonds, d’un noir de nuit, la bouche bien ouverte par un sourire où luisaient toutes les dents, elle défiait les comparaisons, les ressemblances, et même une princesse qui aurait reçu dans son berceau les plus précieux dons de toutes les bonnes fées, n’aurait pu avoir d’aussi beaux cheveux sombres, d’aussi profonds yeux bruns, ni ce front, ni cette bouche.