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LE SOIR D’UNE FLEUR

qui demeure de la joie humaine, cette tristesse qui est comme la lie des choses heureuses ; et, après, il en fait des vers.

Je me baissai donc, pour prendre la fleur.

Mais une main avait devancé la mienne, une toute petite main, celle d’une fillette mal vêtue, sordide, presque en haillons, l’air d’une mendiante. Je laissai faire cette enfant, je ne lui disputai point la morose épave qu’elle saisit et qu’elle mit dans son corsage, sous le bâillement de l’étoffe sans boutons, très vite, furtivement. La pauvre mignonne ! cela lui plaisait, habituée à marcher dans la boue, d’y cueillir une fleur.


Mais j’observai les gens, un homme et une femme, qui étaient avec l’enfant, et je les suivis, parmi le brouhaha de tout ce monde se hâtant sous la pluie. Ils étaient pauvrement habillés, lui en veston, elle en robe de cheviotte sans manteau ; elle avait dans le cou le désordre de son chignon défait, il avait jusqu’aux yeux, sous un chapeau rond, des frisures de cheveux bruns, annelées par un coif-