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LE MAUVAIS CONVIVE

royaume, et d’aller où bon me semblera, sans être éclairé de pas un.

— Eh ! faible comme tu es, tu t’évanouirais avant le troisième pas, mon fils.

— C’est pour reprendre des forces que je veux m’éloigner. Avez-vous lu ce qu’on raconte de Thibaut-le-Rimeur, le trouvère qui fut le prisonnier des fées ?

— Ce n’est pas ma coutume de lire, dit le roi.

— Sachez donc que, chez les fées, Thibaut mena une vie très heureuse, et qu’il était surtout content à l’heure des repas parce que de petits pages, qui étaient des gnomes, lui servaient pour potage une goutte de rosée sur une feuille d’acacia, pour rôti une aile de papillon dorée à un rayon de soleil, et, pour dessert, ce qui reste à un pétale de rose du baiser d’une abeille.

— Un maigre dîner ! dit le roi, qui ne put s’empêcher de rire malgré les soucis qu’il avait.

— C’est pourtant le seul qui me fasse envie. Je ne saurais me nourrir, comme les au-