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LES BATAILLONS QUI PASSENT.

avant-postes des gardes nationaux et des patrouilles de gendarmes. Ni morts ni blessés ; de la poudre perdue, heureusement. Un peu plus tard, et quelques instants après l’arrivée du général Vinoy au Mont-Valérien, un parlementaire, précédé d’un trompette et accompagné de deux sergents de ville (toujours !) se serait présenté au pont de Courbevoie. On va jusqu’à donner le nom du parlementaire : M. Pasquier, chirurgien-major du régiment de gendarmerie à cheval. Deux gardes nationaux seraient allés au-devant de lui ; après quelques paroles échangées, l’un des gardes nationaux aurait brûlé la cervelle à M. Pasquier, d’un coup de revolver, à bout portant ; et, dix minutes plus tard, ajoutent les nouvellistes, le Mont-Valérien a commencé le feu avec une fureur qui, quatre heures durant, ne s’est pas ralentie.

Cependant, de tous côtés, on bat la générale. Sur le boulevard Montmartre, défile un nombre considérable de bataillons : plus de vingt mille hommes, disent des gens qui prétendent avoir compté. Ils passent en chantant, en criant : « Vive la Commune ! vive la République ! » Quelques acclamations leurs répondent ; ce ne sont pas seulement des fédérés de Montmartre ou de Belleville ; on reconnaît sous les képis des figures paisibles de bourgeois et de négociants ; beaucoup de mains sont blanches et ne sont pas des mains d’ouvriers. Ils marchent en bon ordre ; ils sont calmes et résolus ; on sent que ces hommes sont prêts à mourir pour une cause qu’ils croient juste ; je tire mon chapeau : il faut saluer, même coupables, même funestes, ceux qui poussent jusqu’à s’exposer à la mort le dévouement à leurs convictions.