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CE QU’ON VOIT DE L’ARC-DE-TRIOMPHE.

poser une planche sur trois chaises, et les badauds de se hisser sur la planche, moyennant une légère rétribution. De cet observatoire, on aperçoit une longue foule immobile et attentive, qui garnit entièrement l’avenue de la Grande-Armée ; plus loin, la Porte-Maillot, d’où s’élève de minute en minute une vaste fumée blanche, précédée d’une épouvantable détonation, — c’est le canon du rempart qui tire sur le rond-point de Courbevoie, — et au delà, l’avenue de Neuilly, longue, déserte, poudreuse sous le soleil, que traverse quelquefois, à la hâte, une forme humaine, et enfin, après la Seine, après l’avenue de l’Empereur, déserte aussi, la hauteur de Courbevoie, où est établie une batterie versaillaise. Mais j’ai beau écarquiiler les yeux, je ne distingue pas les canons ; on aperçoit quelques hommes, des sentinelles sans doute. Ce sont des sergents de ville, dit-on à ma droite ; mais, à ma gauche, on dit : ce sont des zouaves pontificaux. Ceux qui, à cette distance, reconnaissent les uniformes, ont certainement une bonne vue. Quant à la barricade du pont, les bruits les plus contradictoires circulent ; il m’est impossible de savoir si elle est restée au pouvoir des soldats ou des fédérés. D’ailleurs, depuis que je suis arrivé, on se bat peu. Bientôt la fusillade cesse entièrement ; il est midi. Mais la batterie du rempart continue d’attaquer le rond-point de Courbevoie, et le Mont-Valérien lance, de moment en moment, des projectilles sur Neuilly. Tout à coup une épouvantable poussée, venant de la Porte-Maillot, refoule l’épaisseur de la multitude, redouble d’efforts, se prolonge, s’exaspère, et tout le monde s’effare, crie, s’enfuit, avec des gestes d’épouvante. Un obus, dit-on, vient de tomber sur l’a-