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LE GÉNÉRAL GARIBALDI.

la gloire de ce siècle, à qui manquent des héros, il convient que vous demeuriez ce que vous êtes. Restez au loin, afin de rester grand. Ce n’est point que votre gloire soit de celles qu’il ne faut voir que dans l’éloignement et qui perdent à être considérées de trop près. Non, mais vous seriez gêné parmi nous. Il n’y a pas ici assez d’espace pour que vous puissiez tirer librement votre épée. Nous sommes des gens habiles, compliqués, bizarres. Vous, vous êtes simple ; c’est votre grandeur. Nous sommes de notre temps, vous avez l’honneur d’être un anachronisme. Vous seriez inutile à vos amis, nuisible à vous-même. Que feriez-vous, géant qui combattez avec le glaive, contre des nains qui ont des canons ? Vous êtes le courage, ils sont la ruse, ils vous vaincraient. Il importe au dix-neuvième siècle que vous ne soyez pas vaincu. Ne venez pas, vous seriez pris, vous, naïf, dans la toile d’araignée des médiocrités adroites, et vos efforts grandioses pour vous en dépêtrer prêteraient à rire. Grand homme, on vous traiterait de bonhomme. »

Mais il est probable, si je tenais ce discours au général Garilbadi, que le général Garibaldi me mettrait poliment à la porte. D’autres conseillers, plus puissants, lui ont inspiré d’autres convictions. Amitiés dangereuses ! Il est profondément douloureux qu’aucun homme — si intelligent, si grand qu’il soit — ne puisse distinguer nettement la ligne où cosse la mission pour laquelle le Ciel l’a doué, et, dédaignant tente célébrité étrangère à sa véritable gloire, ne consente à demeurer tel qu’il sera admiré par l’avenir.