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LE GÉNÉRAL GARIBALDI.

ce Paris si attristé déjà, si courbé, si vaincu, je ne le quitterai pas ; pareil à ces marins qui, se souvenant des longs voyages heureux sur leur beau navire, ne veulent pas le quitter quand il va sombrer et se cramponnent pendant l’orage à sa coque démâtée.

XXV.

Ils attendent Garibaldi. Pour quoi faire ? Pour le mettre la tête de la garde nationale. Veuille le Ciel qu’il ne vienne pas ! D’abord, parce que sa présence, serait, à cette heure, un danger de plus, et, ensuite, parce que ce vieillard — cet admirable et vénéré vieillard — compromettrait inutilement sa gloire dans nos basses discordes. Si j’avais l’honneur — moi, citadin inconnu, — d’être au nombre de ceux qu’écoute le libérateur de Naples, j’irais sans hésitation vers lui et, après m’être incliné comme je le ferais devant quelque héros antique sorti de son sépulcre sacré, je lui dirais :

— Général, vous avez délivré votre patrie. À la tête de quelques centaines d’hommes, vous avez gagné des batailles et vous avez pris des villes. Votre nom fait songer à celui de Guillaume Tell. Partout où il y a eu des chaînes à rompre, des jougs à briser, vous y êtes accouru. Vous avez été, comme ces guerriers que vante Hugo dans la Légende des siècles, le champion de la justice. Vous avez été le chevalier errant de la liberté. Vous nous apparaissez, victorieux, dans une vision lointaine ; vous êtes légende. Eh bien ! il convient, pour