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CEUX QUI PARTENT.

XXIV.

Que de malles ! Les personnes même qui ont assisté à l’émigration des braves pendant les journées qui ont précédé le siège, n’auraient jamais pu soupçonner qu’il y eût tant de malles à Paris. Coffres confortables, au couvercle convexe, malles de bois noir, barbues de crins, cartons en cuir, cartons en carton, sacs de nuit et valises surchargent dix mille véhicules qui roulent incessamment vers les gares de chemins de fer. Hâtons-nous ! hâtons-nous ! qui peut nous affirmer que cette nuit, ce matin même, la Commune — l’horrible Commune — n’a pas rendu un décret interdisant aux Parisiens de sortir de Paris ? Et les prudents de s’enfuir, leurs billets le banque ou leurs actions dans leur portefeuille.

On rencontre un ami, il a l’air inquiet, il marche très-vite, on le suit.

— Où allez-vous ainsi ?

— Ah ! mon cher, vous ne savez pas ?

— Quoi donc ?

— C’est incroyable ! J’ai été condamné à mort.

— Vous ?

— Moi-même.

— Par qui ?

— Par la Commune, parbleu !

— Et pourquoi ?

— Parce que j’écrivais au Figaro.