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LA LOI SUR LES LOYERS.

Autre décret : « La vente des objets engagés au Mont-de-Piété est suspendue. » Fort bien. « Mais moi, me dit un pauvre diable, moi qui espérais toucher un boni ? » Que voulez-vous ? On ne saurait contenter tout le monde.

Voyez plutôt les propriétaires : leur ivresse n’est que médiocre. Les locataires eux-mêmes paraissent moins satisfaits qu’ils ne devraient l’être. Ne pas payer son loyer ! Chance admirable ! Mais ils n’osent pas croire à leur bonheur. Tel, quand Orphée, essayant d’arracher Eurydice « au ténébreux empire, » interrompit par ses a accents harmonieux » les supplices des damnés, Prométhée ne montra pas autant de joie qu’il aurait dû en avoir en sentant que le bec du vautour ne lui déchiquetait plus la rate ni le foie ; il se disait : « Ça na durera pas. » Orphée, c’est la Commune ; Eurydice, c’est la liberté ; le « ténébreux empire » c’est le gouvernement du 4 septembre ; les « accents harmonieux, » ce sont les décrets de la Commune ; Prométhée, c’est le locataire ; et le vautour, c’est M. Vautour.

Sans ironie cependant, — car hélas ! on essaye, ça et là, de sourire ; — le décret qui fait remise aux locataires des termes d’octobre 1870, janvier et avril 1871, ne me paraît pas complètement absurde ; et, de bonne foi, je ne vois guère ce que l’on pourrai I objecter aux quelques lignes qui le précèdent : « Considérant que le travail, l’industrie et le commerce ont supporté toutes les charges de la guerre, qu’il est juste que la propriété fasse au pays sa part de sacrifices… » Raisonnons un peu, monsieur et cher propriétaire. Vous avez une maison, une maison où j’habite. Il est vrai que les che-