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PARIS VOTE.

— Jamais, me répondit-il, on n’a voté avec tant d’emressement.

Je rencontre un ami qui revient de Belleville.

— Eh bien ? dis-je.

— On vote en bon ordre, comme on irait à la bataille. lOn ne choisit pas, on obéit.

— Au Comité central ?

— Oui, mais le Comité lui-même obéit.

— À qui ?

— À l’Internationale, parbleu !

Au coin de la rue Drouot, il y a un groupe devant une affiche. Je crois que l’on commente la proclamation d’un candidat. Pas du tout ; on lit une affiche de théâtre. La foule est compacte et bavarde. Toutes les tables des cafés sont garnies de filles rousses. Çà et là, parmi elles, des Garibaldiens rouges, comme des coquelicots dans des blés. Des estafettes, ventre à terre, passent et repassent, allant d’une section à l’autre. On commence à connaître quelques résultats. À Montrouge, à Bercy, aux Batignolles, au Marais, les membres du Comité central sont élus, dit-on, à une très-forte majorité. « Demandez la grande conspiration du citoyen Thiers contre la République ! » crie un gamin enroué. Un autre hurle : « Voilà de quoi rire ! demandez l’instruction pour les grandes filles qui veulent se marier ! » Il est probable que M. Desmarets sera élu dans le IXe arrondissement. On va, on vient, on se chauffe au soleil. Pendant ce temps, le sort de la cité se décide. Un monsieur passe et dit ; « Il paraît que Lesueur a beaucoup de succès dans la Partie de piquet. » Ah ! Paris, Paris !