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QUE SE PASSE-T-IL ?.

hommes qui n’ont pas dormi depuis quarante-huit heures. On est fatigué, mais toujours résolu. Notre nombre s’accroît de moment en moment. Je viens de voir arriver successivement trois bataillons, presque complets, clairons entête. On va pouvoir accorder quelques heures de repos aux gardes nationaux qui ont fait le plus long service. Cependant que se passe-t-il ? Nous ne savons rien de précis. Les fédérés se fortifient de plus en plus place de l’Hôtel-de-Ville et place Vendôme. Ils ont beaucoup d’artillerie et sont très-nombreux. Pourquoi n’attaquent-ils pas ? N’ont-ils, comme nous, qu’un projet, celui de se tenir sur la défensive ? Certes, ce ne seront pas nos mains qui, les premières, feront couler le sang français. Pendant cette hésitation commune, les heures s’écoulent, apaisant les esprits. Les députés et les maires de Paris intercèdent auprès de l’Assemblée nationale pour obtenir la reconnaissance de nos franchises municipales. Si le Gouvernement a le bon esprit de faire des concessions, aussi légitimes d’ailleurs qu’elles sont urgentes, s’il ne s’immobilise pas dans la résistance par suite de la conviction qu’il est dans son droit ; en un mot, s’il se souvient de cet axiome : « Summum jus, summa injustitia, » la guerre civile pourra être évitée. On dit, et je crois en effet, que les gardes nationaux fédérés ne considèrent pas sans quelque effroi les suites de l’aventure où ils se sont précipités. Les chefs aussi doivent être inquiets. Ceux mêmes qui se sont affirmés irréconciliables dans l’enivrement du triomphe, ne seraient peut-être pas fâchés qu’un peu de condescendance de la part de l’Assemblée leur offrît un prétexte de ne pas s’engager plus avant dans la rébellion. Tout à l’heure, des gardes du