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L’ATTENTE.

Ciel dans ces heures terribles, — de ne pas avoir à employer les armes détestées. La nuit est très-belle. Quelques-uns causent à voix basse sous les portes ; d’autres dorment, dans leurs couvertures, sur les carreaux, la nuque sur la première marche de l’escalier. Aux derniers étages des maisons, quelques habitants curieux veillent encore ; on voit de la lumière à travers les rideaux blancs ; le reste des maisons est sombre. Pas un bruit, sinon quelquefois, sur le boulevard, le son lourd d’une charrette, — c’est peut-être un canon qu’on traîne, — et plus près de nous, le bruit d’un fusil qui glisse le long de la muraille et tombe sur la pierre. D’heure en heure, des pas nombreux et réguliers : c’est notre compagnie de gardes mobiles qui va faire une patrouille ; quand ils reviennent, on les interroge.

— Rien de nouveau ?

— Rien.

— Jusqu’où avez-vous été ?

— Jusqu’à la rue de la Paix.

— Croyez-vous qu’ils attaqueront ?

Et les patrouilles passent, les causeurs reprennent leur conversation, les dormeurs se rendorment. Nous attendons toujours. Veuille le ciel que ce soit en vain !

XIII.

Jamais je n’ai vu avec plus de joie le jour se lever. Tous les hommes, à la suite d’un grand malheur, ont eu de ces nuits lugubres, où il semble que les ténèbres se-