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LE PREMIER COUP DE PISTOLET.

« Il y a deux cents victimes, » dit l’un. « Il n’y avait pas de balles dans les fusils, » dit l’autre. Sur la cause du conflit les opinions varient singulièrement. Peut-être ne saura-t-on jamais d’une manière certaine ce qui s’est passé sur la place Vendôme et dans la rue de la Paix. J’étais à la fois trop près et trop loin du théâtre de l’événement ; trop près, car j’ai failli être tué ; trop loin, car je n’ai rien vu que la fumée de la poudre et la fuite des passants.

Ce qu’il y a de certain, c’est que la manifestation d’hier, qui avait réussi à grouper un très-grand nombre de citoyens autour de son drapeau, a voulu renouveler aujourd’hui sa tentative de pacification par le nombre désarmé. Trois ou quatre mille personnes s’engagèrent vers deux heures de l’après-midi dans la rue de la Paix, en criant : « L’ordre ! l’ordre ! vive l’ordre ! » Le Comité central avait sans doute donné des consignes sévères, car les premières sentinelles de la place, loin de présenter les armes à la manifestation comme elles l’avaient fait hier, refusèrent formellement de lui laisser continuer sa route. Alors, que se passa-t-il ? Deux foules étaient en présence, l’une sans armes, l’autre armée, surexcitées toutes les deux, l’une voulant aller en avant, l’autre décidée à barrer le chemin. Un coup de pistolet fut tiré. Ce fut un signal. Les chassepots s’abaissèrent. La foule armée lit feu et la foule sans armes se dispersa dans une fuite désespérée, laissant sur son chemin des morts et des blessés.

Mais, ce coup de pistolet, qui l’a tiré ? « Un des citoyens de la manifestation, et, en outre, on a arraché leurs fusils aux sentinelles, *> affirment les partisans du Comité central, et ils produisent, entre autres témoignages, celui