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PREMIÈRE MANIFESTATION.

garde nationale. Là, comme devant la mairie Drouot, les tambours battirent aux champs et on nous présenta les armes ; bien plus, un officier vint prévenir les chefs de la manifestation qu’un délégué du Comité central les priait de se rendre à l’état-major. C’était moi, en ce moment, qui portais le drapeau. Nous nous avançâmes en silence. Quand nous fûmes arrivés sous le balcon, entourés par les gardes nationaux, dont l’attitude, en général, était pacifique, nous vîmes paraître sur ce balcon un homme assez jeune, sans uniforme, mais ceint d’une écharpe rouge et entouré de plusieurs officiers supérieurs ; il prit la parole et dit : « Citoyens, au nom du Comité central… » Dès lors il fut interrompu par des sifflets innombrables et par ces cris : « Vive l’ordre ! vive l’Assemblée nationale ! vive la République ! » Malgré ces interruptions hardies, nous ne fûmes l’objet d’aucune violence, ni même d’aucune menace, et, sans plus nous inquiéter du délégué, nous fîmes le tour de la colonne, et, après avoir regagné le boulevard, nous allâmes vers la place de la Concorde. Là, quelqu’un émit l’avis de se rendre chez l’amiral Saisset, qui habitait rue Pauquet, quartier des Champs-Élysées. Un homme à la figure grave, à cheveux gris, fit observer que l’amiral Saisset était à Versailles.

« — Mais, ajouta-t-il, il y a parmi vous plusieurs amiraux.

« Il se nomma. C’était l’amiral De Chaillé. À partir de ce moment, il se tint à la tête de la manifestation, qui traversa le pont de la Concorde et gagna le faubourg Saint-Germain.

« Toujours acclamée, toujours plus considérable, elle