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PARIS.

grande partie de la population ; mais on est si fatigué qu’on n’a pas le loisir d’être content. Songez donc ! le siége, la famine, l’ennui, les parents absents, la misère, et puis, l’insurrection de Montmartre, la surprise, les hésitations, le canon nuit et jour, la fusillade au loin sans relâche, les mères en pleurs, les fils poursuivis, toutes ces calamités ont fondu sur la malheureuse cité. C’était Rome sous Tibère, c’est Rome après les barbares. On a tiré le canon dans Sybaris. Tant d’émotions et de malheurs ont exténué cette voluptueuse, et puis tout ce sang, tant de sang ! Des cadavres dans les rues, des cadavres sous les portes, des cadavres partout ! Oh ! certes, ils étaient coupables, ces hommes qu’on a pris, qu’on a tués ; elles étaient criminelles, ces femmes qui versaient l’eau-de-vie dans les verres et le pétrole dans les maisons ! Mais, dans les premiers moments du zèle, ne s’est-on jamais trompé ? Étaient-ils coupables, tous ceux qu’on a tués ? Puis, la vue de ces supplices, mérités ou non, est toujours cruelle. Les innocents s’attristent pendant que justice se fait. Oh ! oui, Paris est tranquille à cette heure, tranquille comme un champ de bataille le lendemain d’une victoire, tranquille comme la nuit et la tombe. Une horrible lassitude nous opprime. Sortirons-nous de cette ombre et de cette apathie ? Paris, ennuyé, accablé, se détourne avec tristesse du passé et n’ose pas encore lever les yeux vers l’avenir.

FIN.