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CIMETIÈRES.

flammes. La Villette est en feu, des maisons brûlent à Belleville et sur les Buttes-Chaumont. La résistance tend à se concentrer, d’une part, au cimetière Lachaise ; de l’autre, au cimetière Montparnasse. L’insurrection était maîtresse de Paris ; l’armée est venue étendant peu à peu ses longs bras, l’un de l’Arc-de-Triomphe à Belleville, l’autre du Champ-de-Mars au Panthéon. Resserrée dans cette étreinte, essayant de la rompre, fuyant ici, résistant là, l’émeute a reculé enfin ; elle est là-bas maintenant, dans deux cimetières ; elle guette derrière des tombes, elle appuie le canon de son fusil sur le bras d’une croix, elle établit une batterie entre deux sépulcres. Les obus de l’armée tombent dans le funèbre enclos, fouillent le sol, déterrent les morts. Une rondeur noire roule dans une allée ; on croit que c’est un boulet, c’est un crâne. Que doivent penser ces hommes qui tuent et qui sont tués dans ces cimetières ? Mourir parmi les morts, c’est terrible. Mais ils ne songent pas à cela ; le vertige sanglant de la destruction ne les laisse penser qu’à une chose : « Tuons. » Ou bien, ils sont gais, car ils sont braves. C’est cela qui désole, qui navre ! Ces misérables sont héroïques ! Il y a eu, derrière des barricades, des traits de valeur forcenée. Un homme, à la Porte-Saint-Martin, tenait un drapeau rouge ; il était debout sur un tas de pavés : audacieux défi ! car les balles pleuvaient ; il s’appuyait indolemment contre une tonne qui était derrière lui. « Fainéant ! » lui cria un camarade. « Non, répondit-il, je m’appuie pour ne pas tomber quand je serai mort. » Ils sont ainsi : ils ont pillé, incendié, assassiné ; mais ils sont braves. Ils n’ont du cœur que d’une façon. À présent encore, ils sourient en