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AGONIE DE L’INSURRECTION.

l’autre presque enfant. Le vieux dit à l’enfant : « Vois-tu, tout le malheur vient de là : nous avions des armes. En Quarante-huit, nous n’avions pas d’armes, nous sautions sur celles des soldats, alors ils ne pouvaient plus rien faire. Aujourd’hui, il y a plus de massacre et moins de besogne. » Après ces mots, ils disparaissent dans la rue Hauteville, et peu de temps après, j’entends des coups de feu. Jours horribles ! On est la proie d’un écrasement profond ; on voudrait bien que ce fût fini. La ville est lugubre ; partout où on ne se bat pas, on se cache ; les rues désertes, les fenêtres closes, un passant qui s’esquive ; de temps en temps, un homme entre des soldats : c’est affreux ! Dans les rues les plus voisines de la bataille, les volets ne sont pas fermés ; chaque fois que les soldats entrent dans un quartier, ils crient : « Fermez les fenêtres, ouvrez les volets . » Voici pourquoi : si on tire des croisées, les volets étant ouverts, on peut voir celui qui a tiré. Pour moi, je vais, au milieu de ces tristesses, comme un fou dans la nuit. Le bruit se répand que les otages ont été fusillés à Mazas. L’archevêque de Paris a été passé par les armes ; l’abbé Deguerry a été assassiné, Chaudey a été assassiné. C’est Rigault qui a présidé à ces exécutions. Peu après il a été pris, et il est tombé en criant : « À bas les assassins ! » Cela fait songer à un Dumollard qui dirait aux jurés : « Canaille ! » On dit aussi que Millière a été fusillé, place du Panthéon ; on voulait qu’il se mît à genoux ; il s’est redressé, l’œil fier. Il y a une chose extraordinaire, c’est que ces lâches sont braves.

Pendant ce temps, la Commune agonise. Comme les dragons de la légende, elle meurt en expectorant des