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LES MONSTRES.

Il vous a plu que les familles fussent ruinées, grâce aux papiers évanouis dans le ministère des finances et dans la Caisse des dépôts et consignations incendiés ! En voyant le musée du Louvre demeuré intact et la grande bibliothèque préservée, vous avez dû frémir de rage. Comment ! Notre-Dame ne brûle pas encore ? la Sainte-Chapelle ne brûle pas ? N’avez-vous plus de pétrole ni de mèches incendiaires ? « Aux armes ! » ne suffit pas, criez : « Au feu ! » Consumez la cité entière, et, ensevelis sous ses ruines, vos restes méprisés pourront s’enorgueillir, comme le corps d’un avorton mort-né qui aurait l’Hymalaya pour sépulcre !

Ne dites pas : « Ce n’est pas nous qui avons fait cela. Le peuple s’est vengé. Nous n’y sommes pour rien. Nous sommes doux comme des agneaux. Ranvier n’écraserait pas une mouche. » Ne dites pas cela. Vous étiez sur le balcon des Tuileries, avec vos écharpes rouges, donnant des ordres. La populace, trompée par vous, n’a fait qu’obéir. Est-ce que toutes les circonstances de ce prodigieux attentat ne révèlent pas un plan conçu, élaboré, déterminé longtemps à l’avance ? Ne lisait-on pas, presque tous les jours, dans votre journal officiel, cette note : Les détenteurs de pétrole sont invités à faire immédiatement la déclaration des quantités de pétrole qu’ils ont en leur possession ? » N’a-t-on pas éteint, dans le quartier des Invalides, une mèche qui allait communiquer la flamme aux barils de poudre placés depuis longtemps dans les égouts ? Oui, ce qui a eu lieu, ce qui aura lieu encore, vous l’avez voulu. Si le désastre n’a pas été plus grand, c’est que, surpris par la brusque arrivée des troupes, vous n’avez pas eu le