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FUSILLADES.

trompettes furieuses, à ce tumulte monstrueux, et, par intervalles, se perdait au fond des détonations.

Vers une heure et demie, cela diminua tout à coup. La barricade était prise. Les insurgés se repliaient sur La Chapelle et Belleville, en désordre ; la ligne se répandit dans l’avenue de Clichy comme un torrent, laissant derrière elle, sur les tas de pavés écrasés, un drapeau tricolore.

Çà et là, dans les rues, on fusillait. Rue Blanche, un coup de fusil partit d’un rez-de-chaussée ; l’homme fut pris et passé par les armes contre sa fenêtre. L’artillerie défilait par la rue Chaptal, vers Montmartre et La Chapelle. Il faisait un soleil brûlant ; on donnait à boire aux canons, pour les rafraîchir. Les jeunes gens qui rentraient étaient provisoirement faits prisonniers, car on craignait les enfants, le pétrole, les revolvers, les vengeances, le délire du sang. Un coup de fusil isolé tonnait quelquefois, aux environs, suivi, une minute après, de cinq ou six autres. Justice était faite.

Comme les quartiers de Belleville et de Clichy se désemplissaient de troupes, à quatre heures du soir, pendant un moment de silence, deux insurgés passèrent, rue Léonie, l’un devant l’autre, sur un trottoir. Celui qui marchait derrière prit son fusil et tira, au hasard, vers les fenêtres ; la détonation fit tressaillir, comme le bruit d’un obus, tant la rue était sonore ; on entendit un carreau se briser. L’insurgé qui marchait devant le tireur ne tourna même pas la tête ; ces hommes n’étaient déjà plus de la vie et semblaient devenus sourds.

Ce que l’on redoutait le plus, c’étaient les fusils à vent. On voyait tout à coup se dessiner un trou dans un mur,