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LA BARRICADE DE LA PLACE CLICHY.

Tout cela est-il vrai ? ce sont les bruits qui circulent. En m’en allant, je tourne quelquefois la tête. Rue Geoffroy-Marie, près du faubourg Montmartre, il y a un homme, un garde national, il est seul, au milieu de la rue, rien ne l’abrite, il charge son fusil et tire, il le charge et tire encore. Il tire, coup sur coup, trente-deux fois. Puis, le fusil tombe, l’homme chancelle et tombe aussi.

XCIII.

Le 23, au matin, après un combat de trois heures, la barricade de la place Clichy n’était pas encore enlevée. Cependant deux bataillions de la garde nationale des Batignolles avaient mis la crosse en l’air au début de l’attaque, et fraternisaient avec l’armée près de la place de la Mairie, à cent cinquante mètres de la lutte. Le pétillement des feux de peloton, l’explosion des bombes et le bruit des mitrailleuses remplissaient l’air, et l’odeur de la poudre commençait à prendre à la gorge ceux qui habitaient les alentours. Puis des cris affreux s’élevaient, provenant de blessures plus âpres, et les sifflements des projectiles qu’envoyaient les batteries de Montmartre passaient, rapidement, par-dessus les toits de toutes les rues environnantes. « Au-dessous, me dit l’habitant des Batignolles qui me communique ces détails, au-dessous, dans la ville, c’était comme un ouragan de tonnerres.  »

La charge battait, se mêlant, avec des sonneries de