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LE CANON DANS PARIS.

première marche d’un escalier. Près de l’église de la Trinité, il vit deux pièces de canon, dont les détonations le firent bondir, et qui envoyaient des projectiles dans un établissement de bains situé rue Taitbout, en face du boulevard. Sur le boulevard même, pas un être vivant. Des points noirs, de loin en loin. Des cadavres, sans doute. Cependant, dès que les canons avaient envoyé leurs projectiles et pendant qu’on les rechargeait, des têtes s’allongeaient curieusement hors des portes, épiant les dégâts, comptant les arbres abattus, les bancs rompus, les kiosques éparpillés. Des fenêtres, çà et là, partaient des coups de feu, et s’élevaient des fumées. Mon ami, qui loge non loin de là, entra chez lui. On lui raconta que pendant la matinée on avait canonné violemment le collége Chaptal. Là s’étaient embusqués les zouaves de la Commune. La lutte ne fut pas longue. On fit quelques prisonniers, on fusilla le reste.

Mon ami s’enferma chez lui, résolu à ne pas sortir. Mais l’impatience de savoir et de voir le contraignit à descendre dans la rue. La caserne de la Pépinière était occupée par la ligne ; il put arriver sans encombre jusqu’au nouvel Opéra, laissant à droite la Madeleine où l’action était engagée, terrible. Sur son chemin, des fusils en faisceaux, des soldats assis ou couchés, et partout des cadavres. Il put ensuite sans trop de péril gagner les boulevards où les insurgés, très-nombreux maintenant, n’avaient pas encore été attaqués. Il travailla quelque peu aux barricades et passa. C’est ainsi que nous avions pu nous rencontrer. Au moment où nous entrâmes dans le faubourg Montmartre, un homme racontait que des fédérés, au nombre de trois cents, s’étaient réfugiés dans