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LES INSTITUTRICES.

tendre ce qu’il dit. Mais quand il se retire, une immense acclamation s’élève : « Vive la Commune ! à bas Versailles ! vaincre ou mourir ! » Ces cris me font mal. Je sens que ces hommes et ces femmes veulent tuer et sauront mourir. Hélas ! là-bas, que de cadavres déjà ! ni la canonnade ni la fusillade ne se sont interrompues un instant. Tout à coup une troupe de femmes sort de l’hôtel, la foule s’écarte pour leur livrer passage. Elles se dirigent de mon côté. Elles sont habillées de noir. Elles ont un crêpe au bras et une cocarde rouge au chapeau. L’officier me dit : « Ce sont les institutrices qui ont remplacé les religieuses. » Puis il se lève, va vers elles et leur demande :

— Avez-vous réussi ?

— Oui, dit l’une en montrant un papier, voilà notre commission. Les enfants des écoles seront employés à confectionner les sacs et à les remplir de terre. Les moins jeunes chargeront les fusils derrière les barricades. Ils recevront tous des vivres, comme les gardes nationaux. On fera une rente aux mères de ceux qui seront morts pour la République. Ils ont bien envie de se battre, allez ! nous les avons fait beaucoup travailler depuis un mois : Ce sera leur récréation. »

Cette femme, qui est jeune et jolie, parle ainsi avec un très-doux sourire. Je frémis. C’est alors que deux officiers d’état-major, à cheval, venant de la place Vendôme, se précipitent au grand galop vers l’Hôtel de Ville. Un instant après, le clairon sonne. Les compagnies se forment sur la place. Une grande agitation semble régner dans l’hôtel. Dos hommes entrent et sortent en courant. Les officiers qui sont autour de moi dans le café se lèvent