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PARIS MORNE.

de Peters, pas une clarté. Les promeneurs se font de plus en plus rares. Il n’y a plus que des groupes d’officiers, qui sont restés tout le soir dans quelque estaminet. L’un, qui va devant, appelle les autres qui tardent. Souvent l’un d’eux est ivre. Il n’est pas gai. On se dit : « Rentrons. » Dans les rues, personne. De loin en loin un coup de sonnette : c’est quelqu’un qui fait comme vous, qui rentre. Au détour d’une rue, une femme regarde autour d’elle, s’approche et vous parle. La prostitution survit.

Et voilà, Commune de Paris, ce que tu as fait de Paris ! Les Prussiens étaient venus, Paris les avait attendus de pied ferme, en souriant. Les obus étaient tombés sur ses maisons, il avait mangé du pain noir, il avait fait la queue pour avoir trente grammes de cheval, fait la queue pour avoir trente livres de bois mouillé, il s’était battu, il avait été vaincu, on lui avait dit : Rends-toi, on l’avait livré, comme on dit à l’Hôtel de Ville, et Paris, navré, n’avait pas cessé de sourire. Or, ce sourire, sachez-le, c’était sa grandeur, c’était son antique gloire réfugiée dans une dernière protestation contre la Providence injuste, c’était le souvenir d’avoir été fier et heureux, et l’espoir de le redevenir, enfin c’était Paris disant : Je suis Paris encore. Eh bien, ce que ni la défaite, ni la faim, ni la capitulation n’avaient pu faire, tu l’as fait, toi ! Et maintenant, soit maudite, car de même que Macbeth a tué le sommeil, toi, Commune, tu as tué le sourire !