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UN CONCERT AUX TUILERIES.

ment chic tout de même ! » La plupart de la foule était silencieuse.

Puis il y eut un effet magnétique, lorsque la nuit vint ; il semblait qu’il manquait une chose autour de soi, même à ceux qui ignoraient encore le grand meurtre.

LXXXVII.

Le 16, je reçus un prospectus par l’intermédiaire de ma concierge. Il s’agissait d’un concert, mêlé de déclamations : une petite fête populaire offerte aux Tuileries, une bonne œuvre. Le prix des places variait de cinq francs à cinquante centimes. Cinq francs la salle des Maréchaux, cinquante centimes « le parterre » — et le parterre devait être illuminé à la vénitienne, entre les branches des orangers ; le tout accompagné, au loin, d’un grand feu d’artifice : à savoir la barricade de Courbevoie.

Je ne mis pas de gants blancs, par savoir-vivre, et m’acheminai vers le palais.

Ce n’était pas féerique ; mais c’était d’une sinistre insanité. L’essaim des marouffles et des voleurs, des chiffonniers, des chapeliers, avec quatre ou cinq galons d’or aux képis et aux manches, arpentait quatre à quatre le grand escalier d’honneur. Cela crachait et mâchait des « impériales » en grommelant de vieux clichés de 93. Les femmes — même jolies — répugnaient un peu. Presque toutes minaudaient, d’un air modeste, avec des voix de chez Markowski. Quand Mademoiselle Caillot