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CHUTE DE LA COLONNE VENDÔME.

tour de la barricade de la rue Castiglione. Les écharpes rouges des membres de la Commune apparurent. Il se fit un grand silence.

L’instant d’après, le cabestan se tendit. Les cordes qui descendaient du sommet de la colonne Vendôme se roidirent ; la plaie de maçonnerie creusée à la base se referma graduellement ; la statue s’inclina dans les rayons du couchant, puis, brusquement, parcourut les airs dans un salut gigantesque et s’abattit entre les drapeaux avec un coup énorme et sourd, au milieu d’un aveuglant nuage de poussière.

Alors les musiques éclatèrent, proférant la Marseillaise ; le cri « Vive la Commune ! » poussé par quelques-uns, fut répété par la terreur ou l’indifférence de la multitude. Ce fut une explosion où l’on distinguait d’absurdes applaudissements. Enfin tout se calma, et si soudainement, que l’on entendit un chien effraye qui aboyait, en courant sur la place.

Certes, ceux des membres de la Commune qui se trouvaient présider à cet attentat, durent se dire avec le frisson d’un misérable orgueil :

« César, ceux que tu salues vont vivre !… »

On voulait maintenant des morceaux, des reliques. C’était comme du temps des « souvenirs du siège, » où l’on vendait de petits morceaux de pain noir encadrés et mis sous verre. La curée allait commencer : mais les gardes nationaux croisèrent la baïonnette en travers des barricades. Personne ne passa. Et la foule se dissipa bientôt vers le dîner. « Elle est tombée ! » disait-on aux arrivants ! la statue est décapitée ! Ç’a n’a tué personne ! » Des « voyous » s’écriaient : « Ç’a a été rude-