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MINOS, ÉAQUE ET RHADAMANTE.

qui n’a jamais été le mien. Quelqu’un, derrière moi, éclata de rire. Je me retournai et je reconnus un de mes excellents camarades, prisonnier comme moi, et que je n’avais pas aperçu en entrant.

— Votre profession ? interrogea Minos.

— Professeur de boxe.

Et, le poing sur la hanche, je me donnai un air formidable, afin de prouver que je n’usurpais pas la qualité susdite. Les autres questions obtinrent des réponses non moins satisfaisantes, et, enfin, Minos me dit :

— C’est bien ; allez vous asseoir et attendez.

— Je vous demande bien pardon, mon jeune ami, mais je n’irai pas m’asseoir et je n’attendrai pas une minute de plus.

— Vous moquez-vous de nous ? Nous faisons ici une chose très-sérieuse ; nous risquons notre tête après tout. Allez vous asseoir !

— J’ai déjà eu l’honneur de vous dire, mon cher Rhadamante, que je ne voulais pas m’asseoir. Faites-moi donc le plaisir de me laisser sortir à l’instant même.

— Moi ?

— Vous-même ! affirmai-je d’une voix vigoureuse.

Les trois juges me regardèrent avec hésitation et se consultèrent à voix basse. Dame ! un professeur de boxe ! Je crus le moment venu de frapper le grand coup, et je tirai de ma poche une petite carte de carton vert sur laquelle je les priai de jeter les yeux. Immédiatement, Minos, Éaque et Rhadamante se levèrent, me saluèrent avec le plus profond respect, et crièrent à deux gardes nationaux debout près de la porte :

— Laissez passer le citoyen.