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IMMORALITÉ DU MARIAGE.

grande majorité. Mais on ne voyait point là ces toilettes élégantes et ces grâces frivoles qui ont trop longtemps déshonoré la plus belle moitié de l’espèce humaine. Non, Dieu merci. Mes yeux contemplaient avec joie les héroïques haillons des dames qui, le matin, consentent à balayer les rues de la capitale, et plusieurs de ces belles patriotes s’enorgueillissaient de porter au milieu du visage un nez qui aurait pu flotter sur le faîte de l’Hôtel de Ville. Ô glorieux nez rouges, symboles des âmes républicaines ! Quant aux hommes, ils sembaient avoir été choisis dans les rangs les plus distingués de la nouvelle aristocratie. Il fallait voir avec quelle grâce militaire s’inclinait sur l’oreille la crânerie de leurs képis ! leurs visages, naguère hideux, étaient illuminés par la joie d’êtres libres, et certainement la fumée épaisse qui sortait de leurs brûle-gueule devait être bien plus agréable à Dieu — en supposant que Dieu existe — que le fade encens que lui offraient naguère les calottins de curés.

— Le mariage, citoyennes, est la plus grande erreur de l’humanité ancienne. Être marié, c’est être esclave. Voulez-vous être esclaves ?

— Non ! non ! crièrent tous les assistants, et l’orateur — une grande femme maigre, au nez de buse, et qui paraissait avoir la jaunisse — et l’orateur, flattée par cette unanimité, reprit :

— Le mariage ne saurait donc être toléré dans une cité vraiment libre. Il devrait être considéré comme un crime et réprimé par des lois sévères. Nul n’a le droit, en aliénant sa liberté, de donner un mauvais exemple à ses concitoyens. L’état matrimonial est un perpétuel attentat aux bonnes mœurs. Et qu’on ne vienne pas me