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LE PLAN D’UN POËTE.

Quelquefois, au contraire, la chose ne réussit qu’à moitié : soit que la corde casse, soit que le fédéré, considérant qu’il peut accommoder fort simplement son intérêt avec son devoir, envoie une balle dans le dos au réfractaire échappé.

On se sert aussi des déguisements. Un poëte — dont les vers ont été justement applaudis à la Comédie Française, pendant le siège — s’est esquivé grâce à un employé du chemin de fer du Nord qui lui a prêté une tunique et une casquette. Un autre poëte — cette race est ingénieuse — a conçu un projet plus hardi. Il a pris, un jour, sur le boulevard, un fiacre, le premier venu ; il avait eu soin seulement de choisir un cocher d’un âge respectable.

— Cocher, faubourg Saint-Denis, chez un restaurateur, le meilleur du quartier, allez !

Et la voiture de rouler. En route, le poëte se disait : « Ce cocher, comme tous les cochers, a dans sa poche un laisser-passer de la Commune qui lui permet de sortir de Paris et d’y rentrer à sa guise ; rappelons-nous le quatrième acte de mon dernier draine et je suis sauvé. »

La voiture s’arrête devant un restaurant d’assez bonne apparence, non loin de la maison Dubois. Le jeune homme descend, demande un cabinet et dit au garçon :

— À propos, dites-donc à mon cocher de monter, j’ai à lui parler ; un gamin surveillera son cheval.

Le cocher entre au moment où on sert le déjeuner.

— Eh ! dites-donc, mon brave, je vous préviens que je vous garde toute la journée ; est-ce que vous refuse-