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LE COURAGE DU DÉSESPOIR.

santes, au-dessous de ces noms charmants : Amélia ou Rosaline, on lit quatre mots écrits au crayon : « Se charge des réfractaires. » Mais que font les gens vertueux qu’indigne le seul aspect d’un chignon roux ? Ils courent d’hôtel en hôtel, se défiant des garçons, donnant des noms imaginaires, tressaillant la nuit, et croyant à chaque instant entendre des crosses de fusil tombant sur le palier.

Avant hier, une troupe de réfractaires a eu le courage du désespoir. Ils étaient trois cents. Ils sont allés à la porte Saint-Ouen.

— Voulez-vous nous laisser sortir ? ont-ils demandé au chef de poste.

— Non, a répondu celui-ci.

Alors, en un clin d’œil, ils ont empoigné le capitaine, désarmé les simples gardes, et cinq minutes après, ils couraient à travers champs.

D’autres emploient la douceur, ou, si l’on veut, la corruption. Ils vont dans les cabarets de Belleville ; ils se font aimables et soumis, ils nouent des relations amicales avec les fédérés les moins farouches de l’endroit.

— Ainsi vous êtes de garde, mardi, à la porte de La Chapelle ?

— Mon Dieu, oui.

— De sorte qu’il ne tiendrait qu’à vous de laisser sortir un camarade qui aurait une visite à rendre à Saint-Denis ?

— Mais, pas du tout ; les autres m’en empêcheraient et me dénonceraient au capitaine.

— Et, avec le capitaine, il n’y a rien à faire ?

— Rien du tout. C’est un fier patriote, allez !