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JOURDE. JOHANNARD. RIGAULT.

qu’on me prévienne trois jours d’avance pour les payements qui dépassent cent mille francs ! » dit-il. Puis, il critique Beslay, par un haussement d’épaules. Il espère amortir la dette prussienne avant un an, si la Commune vit un an. Il énumère des aperçus sur les douanes, les brevets, les impôts. « Sinon, dit-il, le billet de banque pris à cent francs un matin vaudra vingt sous le soir ; car le numéraire est timide ; il s’exile. Je trouve rare les gros sous ; mais si on me laisse libre, je réponds du salut ! »

Il a l’air de la sincérité convaincue.

Le dîner fini, il salue et sort vivement, sans écouter les réponses des autres convives.

Parfois des cris s’élèvent dans les rues et font tressaillir, derrière les rideaux sombres, les membres de la Commune.

À cette question faite à Johannard :

— Pensez-vous qu’ils entreront dans Paris ?

— Bah ! vous êtes un homme à idées exaltées ! répond celui-ci. Delescluze sait bien que c’est impossible ; et Dombrowski, en garçon froid et intelligent, se met à rire lorsqu’on lui en parle. N’est-ce pas, Rigault ?

Celui qui n’a rien dit jusqu’à ce moment fait un signe de tête approbatif. Il paraît très jeune malgré sa barbe épaisse et noire. Ses yeux sont atones. Il a l’air retors et cauteleux, — pouvant être grossièrement jovial à ses heures.


Puis, un rideau s’abaissa, et celui qui a entendu et vu ce qui précède, n’entendit et ne vit plus rien.