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LA TRAHISON.

— Et vous ne savez pas, lieutenant, demandé-je à mon concierge, comment les Versaillais avaient appris le mot d’ordre ?

— Ma foi, non ; seulement, le commandant, qui est un brave homme, mais qui a le défaut d’aimer à se voir le nez en rouge…

— En rouge ?

— Eh ! oui, dans une verre de vin.

— Ah ! j’entends.

— Eh bien ! le commandant était allé, dans la soirée, du côté de la route d’Orléans ; il ne manque pas de cabarets de ce côté-là…

— Et vous supposez que, s’étant grisé, il a dit le mot à quelque espion ?

— Je ne jurerais pas du contraire ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que nous sommes trahis !

Hélas ! oui, pauvres gens, vous êtes trahis ; non pas de la façon dont vous l’entendez, mais trahis en effet. Ils vous trompent, ces fous ou ces criminels qui décrètent à l’Hôtel de Ville, pendant que vous mourez à Issy, ; à Vanves, à Montrouge, à Neuilly, au Moulin-Saquet ; ils vous trompent, en vous parlant de royalistes et d’impérialistes ; ils vous trompent, en vous disant que la victoire est certaine et que la défaite serait glorieuse. La victoire est impossible et la défaite est sans honneur ; car, lorsque vous tombez en criant : « Vive la Commune ! vive la République ! » la Commune, c’est Félix Pyat, et la République, c’est Vermorel.