Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, 1871.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

246
L’AFFAIRE DU MOULIN-SAQUET.

dérés. D’ailleurs, l’affaire est demeurée obscure, et mon concierge, qui en était, me raconte des choses étranges.


— Imaginez-vous, Monsieur, que je venais de jouer une partie de piquet avec le capitaine, et que je me disposais à faire un somme, car il était plus de onze heures du soir, lorsque je crus entendre quelque chose comme le bruit que fait une troupe en marchant Je regardai autour de moi pour voir si les autres avaient entendu ; ils étaient déjà couchés, et l’on voyait une ligne circulaire de souliers devant les petites tentes plantées en rond. Le capitaine me dit :

— Ce doit être une patrouille qui vient de la rue de Villejuif.

— Ah ! oui ! dis-je, de la barricade.

Et je m’endormis sans inquiétude. Il n’y avait pas moyen d’être inquiet en effet. Le Moulin-Saquet domine toute la plaine qui s’étend de Vitry à Choisy-le-Roi, et de Villejuif à la Seine ; il était impossible qu’un homme s’approchât de la redoute sans être aperçu par la sentinelle. Donc je dormais depuis un moment, lorsque je fus réveillé par ce dialogue :

— Halte-là ! Qui vive ?

— Patrouille !

— Caporal, venez reconnaître patrouille.

— Bon, me dis-je, voilà nos amis qui viennent nous rendre visite ; on va boire un litre, bien sûr.

Et je me levai pour dire bonsoir aux camarades. Le capitaine était allé lui-même reconnaître la troupe.

— Avance à l’ordre, cria-t-il !

Le chef de la patrouille avança et répondit :