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LA PARODIE DE LA TERREUR.

LXXII.

Un homme déguisé entre au bal de l’Opéra ; il est ivre ; il va, vient, court, gambade, insulte les femmes, gouaille les hommes, éteint les lustres, met le feu aux tentures, se fait huer, houspiller, et enfin tout le monde crie : « À la porte ! » Que fait l’homme déguisé ? il se retire, descend chez le costumier du coin, remplace son costume de pierrot par un costume de paillasse, rentre dans le bal, recommence les folies qu’il a déjà faites, et se dit : « J’ai changé d’habit, on ne me reconnaîtra pas. » Il se trompe : il n’y a pas moyen de se méprendre à la façon dont il se comporte. La foule l’entoure, lui crie : « Je te connais, beau masque ! » et finalement, s’il a eu l’imprudence de fermer la porte, on le jette par la fenêtre.

Nous te reconnaissons, Commission exécutive ! c’est en vain que tu as pris les sanglants oripeaux du Comité de salut public, tu es toi-même, tues encore Félix Pyat, tu es toujours Ranvier, tu n’as pas cessé d’être Gérardin ; tu espères te faire mieux obéir grâce à ce travestissement lugubre ? tu te trompes. Ordonne-nous d’aller nous battre, nous ne bougerons pas ; poursuis-nous, nous fuirons à peine ; envoie-nous en prison, nous éclaterons de rire. Tu n’es pas plus la Terreur que Gil-Pérez n’est Talma. Les soufflets que tu reçois font tomber ton faux nez de papier peint ; tu as beau proscrire, voler, incarcérer, tu es trop drôle pour être terrible. Si jamais, poussant la parodie jusqu’au bout, tu t’avisais de dres-