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AIGUILLETTES ET GALONS.

le motif de cette soudaine décadence ? On parle d’une querelle avec Dombrowski. Il paraît que ce dernier avait conclu une trêve sans l’autorisation de Cluseret. Une trêve ? à quoi bon, une trêve ? Est-ce que Dombrowski, par hasard, trouverait que l’on tue trop de monde ? Là-dessus, Cluseret se serait fâché tout rouge, mais son rival l’aurait emporté sur lui. Dame ! si l’un est Américain, l’autre est Polonais ; entre deux étrangers le cœur de la Commune peut balancer.

Mais non, ni l’évacuation du fort d’Issy — quoi qu’en dise le Journal officiel — ni Mgr Darboy, ni la querelle avec Dombrowski, ne sont les véritables causes de la chute de Cluseret. Cluseret était destiné à tomber, Cluseret est tombé, parce qu’il n’aimait pas les galons. Telle est la cause, comme dit Shakespeare, et les autres raisons ne sont que des prétextes.

Ah ! le délégué à la guerre s’imaginait qu’il pourrait chaque matin faire afficher des proclamations où il ordonnait aux officiers placés sous ses ordres de découdre les rubans d’or ou d’argent qui ornaient fastueusement leurs manches et leurs képis ? Il croyait que son état-major allait renoncer aux aiguillettes et autres breloques militaires ? Mais c’était tout simplement de la démence. Eh ! je vous demande un peu ce qu’aurait dit Armentine ou Cora, si le soir, au café de Suède ou au café de Madrid, son amant ne s’était pas fait remarquer par ce luxe militaire qui distinguait le général des singes, dans les baraques de la fête de Neuilly, des temps, hélas ! qu’il y avait des fêtes et qu’il y avait un Neuilly. Exigez d’un militaire quelconque, fédéré ou autre, qu’il renonce à sa solde, à son grand sabre retentissant, à son grade même,