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L’ARTICLE DE FOND.

Puis vient l’article de fond, l’article sérieux, écrit d’ordinaire par une plume bien et dûment autorisée, par la plus forte tête de l’endroit. Le sujet varie selon les circonstances, mais il s’agit le plus souvent de démontrer que Paris n’a jamais été aussi riche, aussi libre, aussi heureux que sous le gouvernement de la Commune, et cela, en vérité, n’est pas bien difficile à prouver. Pouvoir vivre sans travailler, n’est-ce pas la meilleur preuve de la richesse des gens ? Eh bien, voyez les gardes nationaux : il y a plus d’un mois qu’ils n’ont pas touché un outil, et ils ont tant d’argent, qu’ils sont obligés d’en céder aux marchands de vins contre un nombre illimité de litres et de bouteilles cachetées. Libres, qui pourrait dire que nous ne le sommes pas ? Les journaux qui se permettaient d’affirmer le contraire ont été prudemment supprimés. D’ailleurs, n’est-ce pas être libres que d’être débarrassés du joug honteux des hommes qui ont vendu la France, que de ne plus subir l’oppression des « calottins, » des réactionnaires, des traîtres ? Et quant au bonheur le plus parfait, nous en jouissons incontestablement, puisque nous sommes riches et libres.

Enfin, après les dépêches officielles rédigées dans le style que vous savez, et les récits des dernières batailles, apparaissent les faits divers. Ici se montre surtout l’ingéniosité des rédacteurs.

« Hier soir, vers dix heures, dans la rue Saint-Denis, l’attention des passants fut a’ttirée par des cris qui paraissaient venir d’une maison à quatre étages, située au coin de la rue Sainte-Apolline. Ces cris étaient des cris de désespoir. On alla prévenir le poste le plus voisin, et quatre gardes nationaux, précédés de leur caporal, pénétrèrent