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BON VOYAGE.

il venir ? » S’il tombe du ciel quelques feuilles imprimées, ils les ramassent et se disent : « Je les ferai lire ce soir par mon fils, quand il reviendra de l’école. » Le soir, le fils épèle, le père écoute. Le fils ne comprend pas, le père s’endort. « Ah ! ces Parisiens ! » dit la mère. Que voulez-vous ! ces gens-là sont nés pour vivre et mourir sans savoir ce qu’il y a d’admirable dans les hommes de l’Hôtel de Ville. Ils sont assez sots pour tenir à leur vie et à la vie des leurs. Ils ne se tuent pas entre eux, ce sont des sauvages ! Et vous ne réussirez jamais à leur persuader que, lorsqu’ils ont acquitté leurs impôts, — travaillé, nourri leurs femmes et leurs enfants, il leur reste encore un devoir à accomplir, le plus saint et le plus impérieux des devoirs : celui de venir à la Porte-Maillot et d’y recevoir dans le ventre une balle ou un éclat d’obus.

Mais ces ballons pourraient être utiles cependant. Choisissons-en un, le plus solide, le plus vaste, le mieux gréé. Fourrons-y le citoyen Félix Pyat — qui ne sera pas le dernier à s’asseoir — et le citoyen Delescluze, sans omettre le citoyen Cluseret, ni aucun des citoyens qui, en ce moment, font la joie de Paris et la tranquillité de la France. Des gaz les plus subtils gonflons cet admirable aérostat qui emporte toutes nos espérances. Et maintenant, souffle le vent ! oh ! un vent terrible, un vent furieux ! et qu’ils partent ! qu’ils nous abandonnent ! Les ballons ont des caprices quelquefois ; vous avez lu l’histoire de Hans Pfaal ? Mon Dieu, si la brise pouvait les emporter jusque dans la lune, ou même beaucoup plus loin !